Dès son premier exposé sur Paris, capitale du XIXe siècle, Benjamin avait mis Fourier au centre du travail, en titrant sa première partie « Fourier ou les Passages ». Cette centralité interpelle. Au delà de leur relation directe avec les passages couverts, les formes du Phalanstère portent les traces de l’utopie fouriériste. Dans la lecture benjaminienne, le rêve de l’un apparaît donc comme le négatif de l’autre. D’une part, celui du passage, inscrit dans une vision de la modernité fondée sur le progrès technique et sur la reproduction des marchandises. D’autre part, celui du phalanstère ouvert sur une vision du progrès comme harmonisation progressive d’une constellation de singularités. A mieux regarder, Passages et Phalanstère, visions saint-simoniennes et visions fouriéristes semblent se croiser dans le texte benjaminien en dessinant un chiasme de forces contradictoires.
Maurizio Gribaudi, est directeur d’études à l’EHESS. Historien et démographe, il travaille depuis longtemps sur la formation des groupes sociaux dans les sociétés contemporaines et plus particulièrement dans le Paris du XIXe siècle. Il a récemment publié avec Michèle Riot-Sarcey 1848, la révolution oubliée (La Découverte, 2008) ainsi que plusieurs articles sur les transformations urbaines et sociales parisiennes.
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