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Thomas Bouchet, Vincent Bourdeau, Edward Castleton, Ludovic Frobert et François Jarrige (dir.) Quand les socialistes inventaient l’avenir. Presse, théories et expériences, 1825-1860, Paris, La Découverte, 2015.
Article mis en ligne le 1er février 2016

par Guillaume, Chantal

Le titre de ce riche ouvrage collectif annonce bien le projet éditorial : rendre compte durant cette période de 1825 à 1860 de l’ébullition d’une pensée socialiste et socialisante qui imagine le futur ou plutôt une nouvelle société fraternitaire, égalitaire, républicaine mais aussi saint-simonienne, fouriériste, buchézienne, proudhonienne….. C’est dire qu’on ne peut pas s’en tenir au socialisme au singulier mais à des socialismes utopistes, expérimentaux. D’ailleurs, est-il précisé dès l’introduction, le mot socialisme était rarement employé dans un sens positif avant 1848. C’est Considerant qui s’exclame après la révolution de Février 1848 que le socialisme n’était rien, et que désormais il est tout ! Pourtant – et tant mieux – cette période foisonne de propositions théoriques et sociales différentes, multiples, loin d’une unicité de doctrine. La société du XIXe siècle se transforme à un rythme accéléré, les socialistes qui représentent une constellation bigarrée veulent accompagner ces changements en réorganisant le travail, en redistribuant la richesse. Cette société industrielle a déjà montré ses limites et ses apories (le paupérisme, le travail aliénant) mais elle ouvre aussi sur des promesses et de nouveaux possibles. Cet ouvrage dans lequel nous pouvons lire de nombreux membres actifs de l’Association d’études fouriéristes, Thomas Bouchet, Nathalie Brémand, Michel Cordillot, Bernard Desmars, sans oublier notre ami américain vivant à Besançon Edward Castleton, présente trois parties qui correspondent aux périodes historiques déterminantes pour saisir les révolutions, les événements qui agitent le XIXe siècle : entre 1825 et 1835 s’exprime la première maturation des idées socialistes (Saint-Simon, Fourier…) ; entre 1836 et 1847 le bouillonnement intellectuel et éditorial est à son comble ; entre 1848 et 1860 – de la révolution de 1848 et la proclamation de la Seconde République jusqu’au retour à un réel désenchanté, à l’exil ou à la prison pour les penseurs socialistes. Ces trois parties font l’objet d’une présentation historique qui fait pénétrer dans chaque période. L’intérêt de cet ouvrage qui a vocation à devenir un outil de référence, c’est de parcourir ces périodes d’invention sociale et politique à travers l’observatoire de la presse. Celle-ci en effet est en pleine mutation technique, elle épouse les nouvelles pratiques de lecture et constitue un moyen de propagande efficace des idées et théories. Chaque chapitre du livre (il y en a 28 !) présente un titre de presse lié à une pensée, un courant d’idées ; on découvre la richesse de cette presse qui naît et meurt plus ou moins rapidement. Les titres de ces périodiques changent et les rédacteurs aussi, même si certains s’accrochent pour faire vivre ces outils de diffusion des pensées socialistes, comme Pierre Leroux. Il faut la volonté d’un homme, d’un penseur parfois pour donner vie au projet, le soutenir comme Fourier, Buchez, Raspail, Proudhon. Ce panorama nous plonge dans une presse de combat et de diffusion d’idées neuves qui traverse les événements politiques de l’époque, qui doit supporter les censures et les restrictions imposées par les différentes lois sur la presse. Dans notre société du XXIe siècle il semble n’y avoir aucune limite à l’expression mais l’impression demeure que la profusion de nouveaux moyens d’information rend invisibles les luttes et idées sociales qui comptent. Les titres sont nombreux et leur équilibre financier est fragile ; ils trouvent difficilement leur lectorat mais l’enthousiasme fait soulever des montagnes. La presse, comme le souligne Considerant, est le pivot de la propagande. Les périodiques peuvent accueillir une pensée sous la forme du feuilleton littéraire comme le montre Michel Cordillot avec Joseph Déjacque aux Etats-Unis avec son utopie anarchique L’Humanisphère. Cette presse témoigne comme le montre l’ouvrage des émancipations et libérations inédites en voie de constitution comme la presse de métier, la presse ouvrière (cf par exemple L’Echo de la fabrique à Lyon) et la presse féministe qui inaugure une pratique d’écriture comme pratique politique : c’est entre autres La Femme libre, écrit exclusivement par des femmes saint-simoniennes et fouriéristes… On ne résume pas un livre aussi touffu, on conseille sa lecture. Il faut se frotter à cette pluralité des voix, des auteurs, des supports et langages (la littérature est aussi convoquée dans cette pensée d’une société idéale) qui favorise la genèse et la circulation des idées socialistes. On y découvre des penseurs, des débuts de théories, l’associationnisme, des utopies méconnues…La conclusion nous ramène à la fin des rêves, à l’extinction de ce lyrisme politique et social après l’échec de 1848 et le retour à l’ordre conservateur.


Aphorisme du jour :
Les sectes suffisent à elles seules à guider la politique humaine dans le labyrinthe des passions
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