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Site internet de l’Association d’études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier

7-10
Présentation du cahier N°30
Fourier au Japon, 2018
Article mis en ligne le 20 juillet 2020
dernière modification le 20 juillet 2023

par Fukushima, Tomomi

Aux origines du colloque « Fourier ! Fourier ! »

L’envie me prend depuis quelques années d’organiser au Japon un colloque au sujet de Fourier. J’ai en vue quelques personnes que je voudrais inviter.

Un jour, je reçus un courrier dont le contenu était un recueil de poèmes. L’auteur m’était inconnu. C’est donc le moment où j’appris le nom de la poétesse Hinako Abe. Je ne suis pas habitué à apprécier les vers, j’ai été déconcerté. Et cependant, au fur et à mesure que j’ai poursuivi ma lecture, j’ai trouvé que l’auteur avait dû prendre intérêt à Fourier en lisant ma traduction du Nouveau Monde amoureux, parue en 2006 et épuisée alors depuis longtemps 1.

Un autre jour, je reçus une lettre d’invitation à une exposition de peintures japonaises. Cette fois aussi, je suis confus. J’ignorais cet artiste et je ne peux m’enorgueillir d’apprécier les œuvres artistiques. Je suis allé en tout cas à l’exposition, car j’ai appris que le titre en était « Archibras ». J’ai alors rencontré Kyôko Nakamura.

J’avoue ne pas assez comprendre quels aspects de Fourier suscitent chez ces deux femmes un si grand intérêt. Mais je suis certain qu’elles voient en lui ce que je ne vois pas. Ce serait assez bien pour mon colloque.

Ces deux circonstances inattendues m’ont donné l’idée d’un colloque où plusieurs types de rencontres se superposent ou se succèdent. D’abord une rencontre artistique, donc. Je contacte Hinako Abe et Kyôko Nakamura et obtiens leur aimable consentement à venir au colloque.

Rencontre fouriériste. Auparavant, les chercheurs fouriéristes japonais, si peu nombreux soient-ils, ne s’étaient jamais réunis. J’ai voulu créer entre nous une liaison plus étroite. Je vais voir Shôzô Ôtsuka dans l’île d’Hokkaidô, au nord du Japon, pour lui demander de figurer dans le colloque. Ce penseur économiste, qui se plongeait depuis plus de trente ans dans la lecture de Fourier et a fait paraître une série d’articles originaux sur Fourier et que je n’avais même pas connu par correspondance, accueillit aussi favorablement mon invitation.

Je connais Hiroharu Shinohara, un autre fouriériste, depuis mes années d’étudiant. Je ne l’ai pas vu après mon doctorat, mais quand je prends contact avec lui, il me donne volontiers son accord.
Rencontre philosophique, ensuite. J’ai fait la connaissance de Hisashi Fujita il y a une dizaine d’années. Apprenant que j’étudiais Fourier, il m’a fait un sourire et parlé de son programme d’étude de la métaphysique du mariage et de sa déconstruction. Fourier y était considéré comme un des principaux auteurs. J’imagine que son intervention sera intéressante. Il reçoit aimablement ma proposition de venir de Kyûshû, le Sud du Japon.
Rencontre littéraire. J’écris à Shûichirô Shiotsuka, célèbre chercheur en lettres qui se spécialise sur Queneau et Čapek, pour l’inviter à venir faire une intervention sur Fourier chez Queneau. Il a l’amabilité de satisfaire la demande impolie de cet inconnu.
Rencontre internationale, enfin. Je contacte Thomas Bouchet. Il fait preuve de gentillesse en décidant de venir avec Florent Perrier y participer. Thomas s’engage à me donner une mise en perspective des récentes études sur Fourier, Florent un aperçu de la lecture benjaminienne de Fourier.
Voilà donc cinq chercheurs fouriéristes dont deux étaient français, deux chercheurs non fouriéristes qui accordaient cependant un grand intérêt à Fourier et deux artistes inspirés par Fourier, qui se sont réunis à l’Université Hitotsubashi à Tokyo.
Le colloque et les textes publiés dans le dossier « Fourier au Japon »
Le colloque « Fourier ! Fourier ! Deux journées avec Charles Fourier » a eu lieu les 27 et 28 mars 2018. Le programme comportait neuf interventions, dont cinq figurent dans le dossier de ce numéro des Cahiers Charles Fourier. J’adresse tous mes remerciements à Yukie Shimizu, Yûdai Shimizu, Aiko Ônishi et Toki Masuda, qui se sont merveilleusement acquittés de leurs fonctions d’interprètes et traducteurs. Dans ce dossier « Fourier au Japon », le lecteur trouvera les textes de Hinako Abe (accompagné d’un poème), Kyôko Nakamura (illustré de peintures, qu’on trouvera dans le cahier d’illustrations), d’Hiroharu Shinohara et de moi, ainsi que celui de Florent Perrier. Je regrette de ne pas pouvoir présenter ici les quatre autres interventions qui m’ont passionné en les écoutant [1]

Des copies de la première édition du Nouveau Monde industriel et des manuscrits de Fourier conservés au Japon
Après ma conférence, j’ai fait une petite enquête en vue d’une préface à mon projet de traduction en japonais du Nouveau Monde industriel [2]. Pour la traduction, j’ai choisi comme texte de base la première édition, en suivant le conseil de Michel Butor. Grâce à l’ère de l’internet, je peux consulter les images en PDF sur Gallica ou sur Google Books. Quand je consultais celles de ce dernier, reproduites à partir d’une copie conservée à la Bibliothèque municipale de Lyon, j’ai aperçu quelques notes manuscrites qui corrigeaient le texte (il faut d’abord sauvegarder le PDF). J’avais besoin de vérifier si elles avaient été faites de la main de Fourier ou avec son accord, en tout cas lors de la publication du livre. J’ai alors consulté, à l’œil nu, un certain nombre de copies de la première édition gardées dans les bibliothèques universitaires japonaises, et j’ai trouvé que la plupart des copies renferment les mêmes notes aux mêmes endroits. D’où je conclus, selon toute probabilité, qu’elles ont été faites depuis la publication.

En outre, j’ai trouvé une copie accompagnée d’un texte manuscrit qui donne un aperçu du livre et une invitation auprès de fondateurs. Je pense qu’il peut être de la main de Fourier, car Jonathan Beecher rappelle dans sa biographie que Fourier écrivit des lettres de ce genre à beaucoup d’hommes célèbres. Reste à le faire expertiser. Sinon, il s’est déjà avéré que deux manuscrits de Fourier se trouvent au Japon. L’Université de Tohoku possède une pareille lettre d’annonce, non datée, pour le Nouveau Monde industriel. Le Center for Historical Social Science Literature de l’Université Hitotsubashi (où je travaillais) conserve une lettre personnelle adressée à une de ses nièces, Olympe Carrier, datée du 04 février 1834, à Paris.